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Fiche sur les harkis

Mise au point sur le terme de "harkis". Par Valérie Morin (Histoire-Géographie)

Les « harkis » ou supplétifs de l’armée française


En Algérie, l’armée française était constituée de trois types de corps : les militaires de carrière, le contingent et les groupes de supplétifs indigènes, recrutés localement pour faire face à des besoins ponctuels. Ce sont ces derniers que l’on regroupe communément sous le nom de « harkis ». En réalité, ils comprennent des corps assez divers.

A l’intérieur de l’armée de métier française, il existait aussi des bataillons de soldats coloniaux dont la plupart avaient été mobilisés en Indochine. Lorsque débute l’insurrection algérienne, en novembre 1954, la majorité des troupes coloniales se trouvent en Indochine et le recours aux supplétifs a donc rapidement permis de renforcer les troupes régulières en Algérie. Il n’a cessé d’augmenter tout au long du conflit, leur nombre culminant au début de l’année 1961.

Les supplétifs sont des combattants volontaires pour la plupart , auxiliaires de l’armée française, qui n’ont pas le statut des militaires d’active. Ils ont toujours été utilisés par l’armée française, y compris lors de la conquête (1830-1870). Leur présence ne naît donc pas avec 1954.

Leurs motivations à l’entrée dans ces groupes sont variables : envie de défendre son village contre les agressions du FLN, raisons financières, raisons personnelles (un des membres de sa famille ayant été victime du FLN), fidélité à la France . Après le massacre de Mélouza , l’armée note de nombreux engagements volontaires (multipliés par 4 dans l’année 1957) dans les harkas.


Les différents groupes sont


  • Les moghaznis, chargés de protéger les Sections Administratives Spécialisées (SAS) créées par l’armée, en septembre 1955, pour encadrer et développer les zones rurales. Ils sont engagés par contrat renouvelable de 6 et 12 mois. Elles sont complétées début 1957 par 20 Sections administratives Urbaines (SAU). En 1961, on compte 19 100 moghaznis pour 710 SAS et 30 SAU.
  • Les harkas sont officialisées en février 1956. Leur nom signifie « troupes mobiles ». Elles sont, au départ, levées pour des opérations ponctuelles. Les harkis sont engagés sous contrat par l’autorité militaire. Les harkas n’ont pas arrêté de se multiplier tout au long de la guerre. Fin 1960, on compte plus de 60 000 harkis intégrés dans 800 harkas. C’est le groupe le plus nombreux.
  • Les Groupes mobiles de protection rurale (GMPR) créés en 1955 pour protéger les douars. Ils deviennent des Groupes mobiles de Sécurité (GMS) en mars 1958. Ce sont des « forces civiles de maintien de l’ordre » mais participent aussi aux opérations militaires. Leur recrutement se fait localement et par contrat renouvelable de 6 ou 12 mois. A la fin de la guerre, on compte 114 GMS comprenant 8 500 hommes.
  • Les Groupes d’autodéfense (GAD) se développent à partir de 1957 de façon plus ou moins spontanée. Armés initialement de fusils de chasse, non rétribués, ils ne quittent pas les villages dont ils assurent la protection rapprochée. Ils comprennent 32 864 hommes en juillet 1961.
  • Au total, au début de 1961, on compte environ 120 000 supplétifs recrutés par les autorités françaises.

Au moment des Accords d’Evian (mars 1962), le gouvernement français décide de régler le sort des supplétifs (ils sont encore 70 000). Les décisions prises sont, aujourd’hui encore, largement condamnées, surtout au vu des massacres dont ils ont été victimes, considérés comme « traîtres » par le FLN. Majoritairement, le rapatriement des supplétifs n’est pas envisagé sauf pour les personnes directement menacées. Pour les autres, il est décidé le maintien en Algérie dans des conditions diverses, le FLN semblant, à cette période, vouloir « pardonner » en appelant à la concorde nationale.

Les autorités françaises donnent des consignes précises pour freiner au maximum les rapatriements de supplétifs sur le territoire national. Les officiers ayant pris l’initiative de le faire sans accord préalable, sont sévèrement réprimandés et certains supplétifs sont même reconduits en Algérie.

En Algérie, les massacres de supplétifs avaient pourtant commencé dès mars 1962 et ont culminé à l’automne. Les autorités françaises ont été au courant des faits comme le prouve les rapports faits par des Français en Algérie. On y raconte les tortures subies par les supplétifs mais aussi par leurs familles. Ces massacres sont dus à des règlements de compte, des vengeances mais aussi au zèle des « marsiens », ralliés FLN de la 25ème heure, voulant montrer leur patriotisme. Les chiffres des morts sont encore contestés car basés sur des témoignages locaux que l’on a supposé étendu à l’ensemble du pays. Les estimations varient entre 15 000 et 100 000 exécutions.

En France, les supplétifs rapatriés sont environ 42 000 (entre 1962 et 1965), plus 5 000 engagés (M. Faivre). Ils ont été regroupés dans des hameaux forestiers isolés, dans des cités ghettos et oubliés durant des années, jusqu’à ce que leurs enfants se révoltent (1975).


Bibliographie sommaire


Mohand Hamoumou, Et ils sont devenus harkis. Paris : Fayard, 1993. (le spécialiste)
Maurice Faivre, « Les supplétifs pendant la guerre d’Algérie », Guerre d’Algérie magazine, Jt 2002, dont sont tirés les chiffres de cet article.
Guy Pervillé, « La tragédie des harkis », L’Histoire, avril 1999.
Mohand Hamoumou et Jean-Jacques Jordi, Les Harkis, une mémoire enfouie, Autrement, 1999.
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